La distance est posée. Elle évoque un seuil. Elle interroge le territoire d’un retrait et la présence d’un mystère. La forêt est ce lieu où l’œil pénètre et traverse futées et clairières, éprouve la verticalité des arbres, la limpidité des feuillages pour s’attarder ensuite sur le sous-bois imprégné d’une odeur un peu âcre. L’enfant connaît ces courses à travers bois et s’enivre d’un sentiment de liberté. Il éprouve les limites de son pouvoir à parcourir un monde et à y reconnaître une cabane, un arbre abattu par l’orage. Le promeneur éprouve cette même euphorie et respire mieux, adopte le rythme régulier de la méditation. Il s’imprègne du sentiment du temps. Les variations de la lumière, selon les heures du jour et selon les saisons déposent les couleurs, les prononcent. Et de cette condensation naît le blanc qui sépare et souligne, qui libère chaque forme et parfois la dissout dans une sorte de douce effusion. Cette oscillation est au cœur du livre comme un battement secret. Regarder l’espace du vide, chercher l’équilibre entre ce qui sans cesse s’échappe et disparaît et le germe dont surgit une forme à chaque fois surprenante, inattendue.
Et de ce reste de jour et de lumière, de cette réserve infinie, de ce rien qui certain jour procure un sentiment de joie, Camille Nicolle et Stéphane Ebner ont fait un beau livre, léger et profond, que l’on reprend avec le même plaisir secret qu’une promenade en forêt.
Serge Meurant, 10 janvier 2012